Le développement d’un service dans le cadre de la Transition agroécologique via un média social est porté par une structure qui joue un rôle essentiel sur la mise en place et la maintenance du service. Une fois l’offre de service et son fonctionnement définis, il est indispensable de penser le service au-delà de l’outil numérique, en particulier en clarifiant la gouvernance et l’organisation à associer au service. Le modèle économique est également un facteur clé du succès (ou de l’échec) du service. Une fois le service en place, tester régulièrement avec les utilisateurs permet d’adapter le service pour qu’il réponde au plus près aux besoins des utilisateurs. Enfin, la maintenance du service ne doit pas être oubliée !

 

Article rédigé par Guillaume Mathieu, Patrick Sarzeau et Laetitia Fourrié

Porter le projet de développement du service

La structure porteuse du service joue un rôle clé dans le développement du service. Start up et structure institutionnelle ne disposent pas des mêmes atouts (ni des mêmes contraintes) pour porter ce développement et assurer la maîtrise d’ouvrage (cf. synthèse atelier concepteurs). Quel que soit le statut (start-up ou institution), il est utile d’être accompagné pour être guidé, de disposer de feedbacks autres que soi-même (dispositifs incubateurs, accompagnement par un prestataire, etc.).

Dans le cadre du projet Agor@gri une grille a été construite pour permettre aux porteurs d’offre de service d’auto évaluer la conduite de leur projet (évaluation a posteriori), dans ses différentes phases :

  • la phase d’évaluation de la demande et des besoins ;
  • la phase d’analyse de la faisabilité du projet de conception et des conditions de conduite du projet : validation des opportunités, élaboration et validation du projet. Un focus est fait sur l’adaptation des supports au métier des producteurs et à leur prise de décision (type d’informations engagées, pérennité des indicateurs, type de support et réactivité…) ;
  • la phase de développement: réalisation du service, pilote/test en conditions réelles et retour d’expérience pour finaliser l’offre ;
  • la phase de lancement et d’animation : organisation et animation des services, place donnée à la modération, place donnée aux experts dans les échanges…
  • la phase de déploiement : enjeux de maintenance des applications et gestion des modèles économiques.

Elle comprend une description du contexte et des enjeux et s’accompagne également d’un onglet spécifique au service rendu par le média social. Celui-ci se compose de trois critères à évaluer :

  • la définition du cahier des charges: définition de la commande, le service proposé, les bénéficiaires et leurs besoins…
  • l’exploration des solutions envisagées: les solutions incluent un support utilisé, un contenu, un mode de production du service…
  • l’évaluation de l’utilisation et de la plus-value effectivement apportée aux utilisateurs de ce service: les solutions peuvent être évaluées partiellement (adéquation d’un support aux bénéficiaires par exemple) ou globalement (tel support, tel contenu, tel mode de production évalués ensemble dans leur capacité à répondre aux besoins, objectifs…).

Cette grille constitue un support à un processus de réflexion pour tirer les enseignements positifs et négatifs de projets en cours ou terminés. Dans ce processus, elle permet de porter un regard sur la démarche développée, les méthodes employées, les productions réalisées, le rôle et le niveau d’implication des acteurs concernés, ainsi que sur les moyens utilisés. Elle peut également être mobilisée en amont, comme une check-list des éléments clés à avoir en tête pour développer un service autour d’un média numérique.

Accédez à la grille

Ne pas limiter le service au support numérique

Une offre de service soutenant un processus de transition vers l’agroécologie ne saurait se limiter à l’outil numérique, ou infrastructure technique, à mettre en place. Pour représenter de manière systémique le service, le système d’activité tel que proposé par Engeström (1987) permet une représentation systémique à partir de différentes composantes.

 

Il est important de comprendre les composantes de l’offre de service et la façon dont ces différentes composantes s’agencent et au service de quel accompagnement.

La conception d’une offre de service est une étape indispensable pour la réussite du service. Elle permet de définir précisément la proposition de valeur, c’est-à-dire les avantages et la résolution de problèmes attendus avec ce service d’accompagnement à la transition agroécologique. Cette phase de conception permet également de formaliser le modèle fonctionnel du service, c’est-à-dire définir le fonctionnement et les fonctionnalités du média/concept et pointer celles qui apparaissent spécifiques d’un accompagnement vers l’agroécologie : A qui rend-on service ? Sur quoi est-ce qu’on agit ? Dans quel but ?
Une représentation sous forme de récit temporel permet de disposer d’une vision globale du service, articulant 4 dimensions constitutives de tout service : proposition de valeur, modèle fonctionnel, mais également modèle économique et modèle de gouvernance. La représentation sous forme d’engrenage invite à réfléchir comment chaque dimension influence les autres.
Pertinent au démarrage du projet, il est également utile en chemin : en effet, des événements importants peuvent réorienter la proposition du service.

 

Agor@gri a utilisé le concept du récit temporel qui permet de raconter la naissance et les étapes de développement d’une offre de service. Celui-ci permet d’avoir une vision globale du développement de l’offre avec la promesse de service, son but, à qui elle rend service, son fonctionnement, les moyens et les ressources mis à disposition, sa gouvernance en passant par l’animation jusqu’à la capitalisation des connaissances.

Pour en savoir plus : Synthèse ateliers concepteurs

Gouvernance et organisation associée au service

La gouvernance associée au service est importante pour le développement du service. La gouvernance permet de contrôler et d’assurer la cohérence des activités de publication, de gestion des connaissances, de partage des connaissances, etc. Qui anime, modère, met en ligne les contenus et les gère ? Qui gère la communauté, accepte ou non des membres ?

La composition de cette gouvernance peut influer sur l’acception de l’agroécologie, des objectifs et priorités données pour la transition. Concrètement, cela peut avoir des répercussions sur :

● le périmètre des contenus échangés (par exemple : réduction des phytosanitaires, ou agriculture biologique),
● la nécessité (ou non) d’un processus de validation des contenus échangés,
● la liberté de parole dans les échanges,
● la prise de décisions d’orientation sur le développement de l’innovation (vision “service” ou vision “transition agroécologique »), …
● La communauté et ses règles de fonctionnement

Une analyse des compétences nécessaires au développement du service est conseillée :

● Gestion de projet, maîtrise d’ouvrage (montage projet + financier)
● Développement informatique et numérique,
● Design et ergonomie (de l’outil mais aussi de l’activité),
● Marketing digital et commercial
● Gestion des connaissances et élaboration des contenus pour la transition agroécologique
● Identification de la communauté, (réseau de partenaire) et de vie de la communauté
● Réseau & partenariat, connaissance du monde agricole

Ces compétences peuvent être disponibles en interne, mobilisées dans le cadre de prestations de sous-traitance ou associés par des partenariats. Bien formaliser ses besoins (avec cahier des charges précis pour son prestataire) est important tout comme gérer les compétences en mode agile, selon les besoins au stade de développement du projet. La stratégie de gestion des compétences dépend de la structure et de son modèle économique et de sa capacité à engager des dépenses de prestation ou à recruter.

 

Pour en savoir plus : Synthèse ateliers concepteurs

 

Enfin, un service basé sur un média social facilitant l’accès aux connaissances utiles à la transition agroécologique s’appuie nécessairement sur une communauté associant experts, agriculteurs, conseillers. Les connaissances échangées doivent permettre de tester les pratiques et d’améliorer les connaissances. Un des points sensibles est la fiabilité et la capitalisation de ces connaissances. Les échanges sur les médias sociaux sont conséquents : qui fiabilise la connaissance partagée, qui la vérifie, comment on la retrouve dans des fils d’échanges et comment on la capitalise et sous quelles formes ? La composition de la communauté et la répartition des rôles au sein de cette communauté constituent un point clé pour la réussite du service.

Quel modèle économique ?

Quels sont les moyens et les ressources à mettre en œuvre pour développer et maintenir le service dans la durée ? Qui paye quoi ?

La question de la pérennité du service est une des clés de la plupart des projets. Dans beaucoup de cas, un effort conséquent est accordé à l’élaboration du service, délaissant une réflexion et une préparation au fonctionnement en routine. Ici, les médias sociaux dédiés à la transition agroécologique ne sont pas différents des autres. Même s’ils reposent surtout sur la contribution attendue des agriculteurs, confortée par des apports techniques, l’animation permanente des échanges d’informations et de connaissances est nécessaire.

Dans tout modèle économique, il faut dissocier le coût d’investissement et le coût de fonctionnement et se poser les questions suivantes : quel mode de financement de l’investissement (contribution public, privée..) ? Gestion du service : qui assure la maintenance et sur quel moyen ? Quel accompagnement des cibles et participants ?

Quelle que soit la forme de la structure porteuse du service, il est important de clarifier et stabiliser très vite le modèle économique du projet. C’est d’autant plus urgent pour les initiatives portées par les start-up et rechercher des sources de financements pour soutenir la mise en place du service (financements agricoles, européens, etc.) est important.

Tester et adapter le service avec les utilisateurs

L’utilisation du service par les utilisateurs est un point essentiel à analyser. Il existe une variété d’acteurs (agriculteur individuel, groupe d’agriculteurs, conseiller, animateur, décideur…) qu’il est nécessaire d’associer dans le développement du service (ainsi que dans sa conception d’ailleurs). Ces feedbacks sont très importants. Prévoir des tests sur la manière dont l’outil contribue à une dynamique de transition (pas uniquement sur l’outil en tant que tel). Il ne s’agit pas de juger de l’esthétique et de la facilité d’usage ! Il s’agit de comprendre comment les utilisateurs se saisissent de l’outil dans le cas d’une démarche de transition agroécologique. Quels sont les différents usages ? quels apprentissages sont nécessaires, et comment l’offre va soutenir cela ?

Mais… Il y a aussi des besoins qui ne sont pas spécifiques de la transition agroécologique. Il faut aussi les prendre en compte.

Concrètement, procéder pas à pas (processus itératif) avec les utilisateurs sans en oublier permet de faire des croisements d’expériences, identifier les manques et se confronter au terrain. Il faut veiller à rester en synergie avec ce qui nous entoure c’est-à-dire maîtriser la multitude d’outils et leurs interactions, montrer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et apporter de l’expertise. Écouter les gens individuellement et collectivement est important pour intégrer au mieux les besoins des utilisateurs pour construire et améliorer les fonctionnalités de l’outil.

 

Schéma itératif du projet incluant l’engagement permanent des utilisateurs (source projet Euraknos)

Animer l’offre de service et assurer sa maintenance

L’animation de l’offre de service est à considérer dès le départ du projet dans le modèle de gouvernance et le modèle économique. Les connaissances sont générées par l’échange, le coapprentissage et la co-création. Ces connaissances doivent ensuite être récoltées pour être diffusées et exploitées. L’animateur doit générer la connaissance, la multiplier et la diffuser. Il y a là un processus de cadrage et de modération des contenus (voir article : Animer une communauté en ligne autour de la transition agroécologique).

Par ailleurs, il faut assurer la maintenance technique sur le service déployé. Derrière cette notion de déploiement, on retrouve les questions de budget, de délais et de moyens. Est-ce que tous ces paramètres sont en adéquation entre la mission et son objectif, les moyens mis à disposition et les résultats obtenus. La grille réflexive d’Agor@gri permet de faire un bilan d’efficience et de mesurer l’impact de nos actions sur le déploiement de l’offre de service.

Il faut distinguer les compétences nécessaires à la phase de conception, de celles nécessaires à la mise à disposition de manière pérenne de l’offre autrement dit de la maintenance du service. Derrière cette notion de maintenance, nous retrouvons des critères d’évaluation du service avec: les contenus sont-ils utiles, intéressants, originaux, actuels, exploitables ? Les visuels sont-ils cohérents, actuels, lumineux, joviales ? Et donc derrière ces quelques critères d’évaluation de l’offre de service, pour que le service fonctionne, qui cela implique-t-il en front et back office ?