Médias sociaux, transition, agroécologie : des mots souvent utilisés mais pour lesquels il existe autant de définitions que de personnes. La posture adoptée dans Agor@gri n’est pas de chercher le consensus mais de construire des cadres d’analyse pour éclairer leurs interactions. Voici les définitions pour Agor@gri.

Agroécologie 

L’agroécologie comprend les formes d’agriculture qui ambitionnent la multiperformance (environnementale, économique, sociale) en s’appuyant sur les processus naturels fournis par les agroécosystèmes et leur biodiversité. Dans Agor@gri, la focale a été mise sur les systèmes agricoles sans aller jusqu’à l’ensemble du système alimentaire. Agriculture biologique, permaculture, agriculture de conservation des sols… les entretiens menés dans le cadre du projet ont montré la diversité des formes d’agriculture considérées comme agroécologiques. 

Les spécificités de la mise en œuvre de l’agroécologie, fil conducteur des réflexions d’Agor@gri sont : 

  • l’absence de « recettes de cuisine » toutes faites et universelles mais des solutions à (ré)-inventer localement et constamment adapter au contexte et son évolution. Les nouvelles pratiques adoptées résultent très souvent d’essais-erreurs et sont d’autant plus pertinentes qu’elles sont construites sur la base de connaissances scientifiques, techniques mais également des savoirs-faires des agriculteurs ; 
  • l’évolution dans la place et le rôle des acteurs : agriculteurs qui deviennent fournisseurs et producteurs de connaissances et de conseils, conseillers qui deviennent de plus en plus accompagnateurs d’apprentissages continus. 

Transition agroécologique 

Plus qu’un état, l’agroécologie est une dynamique. Les systèmes agroécologiques évoluent plus ou moins rapidement, les changements peuvent être en rupture avec l’existant ou plus progressifs. Chaque situation est différente. Dans le projet Agor@gri, 5 étapes communes ont été identifiées dans les démarches de transition agroécologique : 

  • Créer le déclic, déclencher le processus de questionnement 
  • Mettre à plat, enquêter sur le problème 
  • Explorer les possibilités – rechercher des solutions 
  • Expérimenter, tester pour valider les solutions 
  • Consolider les nouvelles habitudes – communiquer dessus avec d’autres agriculteurs ou des consommateurs, le grand public. 

Ces jalons se retrouvent au niveau du projet global de l’exploitant mais également plus ponctuellement lorsqu’il fait face à une difficulté comme une attaque de ravageur ou un aléa climatique.  

Les 5 étapes de la TAE

Infographie intérêts des médias sociaux aux 5 étapes de la transition agroécologique

La transition agroécologique est une démarche menée de manière spécifique et différente au sein de chaque exploitation. Elle peut donc être considérée comme individuelle (ou entre associés). 

Elle est facilitée par des approches collectives, ce qui se traduit par exemple, la mise en place de groupes d’échanges entre pairs plus ou moins formels (GIEE, groupes Ecophyto…) .

Médias sociaux numériques 

Les médias sociaux sont les plateformes digitales ou espaces d’échanges numériques : 

– accessibles par internet (web, applications mobiles)  

– qui permettent à leurs membres d’établir ou d’intégrer des réseaux d’amis ou de connaissances professionnelles et  

– de participer à la vie de ces réseaux à travers le partage et la mise à disposition de contenus ou encore l’expression de réactions (likes…). 

Au sein des médias sociaux, on peut distinguer les réseaux sociaux numériques pour lesquels il est nécessaire de s’inscrire et de créer un profil utilisateur. Il existe d’autres formes : forums, blogs, wikis… 

 

Dans Agor@gri, la distinction est faite entre : 

  • les médias sociaux généralistes (ex. Facebook, WhatsApp, Twitter, YouTube…) utilisés par les agriculteurs dans un cadre professionnel et ceux développés spécifiquement par des acteurs institutionnels de la R&D agricole ou des starts up du numérique agricole ; 
  • les médias sociaux avec pour vocation première l’échange au sein des communautés de ceux centrés sur la co-construction et le partage de connaissances.

Les médias sociaux numériques : des outils pour soutenir la transition agroécologique 

Une nécessité d’évoluer en testant les solutions à adapter à la situation, la construction d’un système de production pas à pas souvent sans idée a priori du point d’arrivée, une prise de risque constante, les agriculteurs agroécologiques peuvent être considérés comme des explorateurs. Il leur est important de pouvoir bénéficier : 

  • d’un espace d’exploration pour découvrir de nouvelles manières de faire, penser autrement, questionner son système et ses pratiques actuels, savoir inventer en situation ; 
  • d’un lieu d’échange pour donner du sens à sa démarche, pour oser se lancer, construire son récit de sa transition agroécologique. Le sens est essentiel pour garder l’envie et la motivation ; 
  • d’un système pour partager, concevoir et capitaliser des connaissances pour l’action. 

Les médias sociaux peuvent alors apparaître comme des outils du numérique, répondant à tout ou partie des besoins des agriculteurs en transition agroécologique. 

Triangle du système d'activités

Schéma bleu en hauteur du triangle du système d'activité avec 7 pictos noirs et blocs de texte.

Les différentes dimensions des services d’accompagnement de la transition agroécologique autour des médias sociaux numériques 

L’originalité d’Agor@gri est de travailler non pas sur le seul support informatique du media social mais sur le service proposé autour de celui-ci pour accompagner les agriculteurs dans leur transition agroécologique. Le fonctionnement d’un service mobilisant un média social repose sur différentes composantes qui interagissent. Penser leur cohérence systémique, et veiller au fil du temps à la façon dont certaines dimensions peuvent entrer en tension est nécessaire pour assurer le développement et maintien du service. Quelles dimensions retenir ? Agor@ri s’est appuyé sur la notion de système d’activité, schématisé par un triangle (Engeström, 1987). 8 dimensions sont en interaction : 

  • Effets par rapport à la transition agroécologique et Motifs, objets : il s’agit de dire ce pour quoi et ce sur quoi le sujet agit. Si ce qui motive le sujet est d’aller vers la transition agroécologique, quelles fonctions le service apporte-t-il, quelles actions peut-il soutenir, dans ce processus de transition : la recherche de connaissances par exemple, le test au champ, une dynamique continue de soutien mutuel entre pairs, l’exploration de solutions, la recherche de nouveaux partenaires pour monter une filière… Le motif, c’est ce que les concepteurs/fournisseurs du service entendent par transition agroécologique. L’objet c’est ce qu’ils proposent comme offre pour soutenir la transition.
  • Sujet : il s’agit de l’acteur du point de vue duquel le service est regardé et dont l’offre vise à soutenir l’action. Cet acteur peut-être un individu ou un collectif que vous considéré comme un « tout » (exemple : un groupe de développement dont on souhaite faciliter les actions communes, un réseau entre différents acteurs dont on veut stabiliser la coordination pour assurer un service donné …). Un individu peut-être un agriculteur, ou une catégorie précise d’agriculteurs, ou un élu, ou un conseiller animateur de groupes, ou …
  • Infrastructure technique : il s’agit du support technique et informatique construit et mobilisé par le sujet pour réaliser l’action que le service vise à soutenir. Ce sont les principales fonctionnalités de l’interface numérique.
  • Contenus : au-delà des fonctionnalités que fournit l’infrastructure technique, le service s’appuie sur la mise à disposition et/ou le partage de contenus, au-travers de l’infrastructure technique ou annexe à celui-ci. Par exemple, des fiches techniques que ce soit pour faciliter le partage (par exemple pour la mise en commun d’expérimentation, ou pour présenter des tests, des trajectoires) ou pour apporter des connaissances sur des pratiques peuvent être proposées.
  • Communauté : dans le cas d’un média social, la communauté, c’est-à-dire l’ensemble des parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre du service et concernées par celui-ci, est particulièrement importante. Attention : si la cible est un groupe – e.g. le sujet dans notre schéma- la communauté n’est pas ce groupe, mais la dynamique éventuelle entre les groupes permise par le service.
  • Organisation du travail et rôles : l’offre se situe dans un ensemble déjà partiellement structuré autour de l’accompagnement de la transition agroécologique. L’organisation du travail et des rôles reprend ce qui est essentiel à la réussite du service étudié. Par exemple si vous celui-ci vise à soutenir plutôt des collectifs d’agriculteurs, est-il important que des structures de conseil proposent votre offre dans le cadre de leur service aux agriculteurs, ou pas ? Est-ce que l’offre suppose de pouvoir bénéficier d’un repérage géo-référencé des parcelles qui est fourni par la DRAAF ? etc.
  • Règles : les concepteurs et offreurs d’offres de services peuvent proposer des règles dans les domaines qui leur paraissent nécessaire de cadrer : règles d’entrée dans la communauté, d’anonymat, etc. Pour d’autres domaines, ils peuvent choisir de ne pas définir eux-mêmes les règles a priori, mais proposer aux cibles des domaines spécifiques sur lesquels ils doivent s’entendre eux-mêmes sur ces règles.

Plus que ces dimensions, ce sont leurs relations dynamiques qu’il faut qualifier.

L’accompagnement des agriculteurs dans leur transition agroécologique vu sous l’angle du triangle d’activité

Pour accéder à une vidéo d’une dizaine de minutes présentant le triangle d’activité du service d’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique : cliquez ici.

Utilisateurs et/ou concepteurs ? Contributeurs actifs et/ou « lurkers » ? 

Lorsqu’on s’intéresse à des outils d’aide à la décision techniques, il est courant de distinguer les concepteurs, les personnes qui conçoivent, développent et diffusent l’outil et les utilisateurs, pour l’usage desquels il a été pensé. L’outil « média social » amène à repenser ces catégories. L’outil trouve sa plus-value dans l’interface web mais également grâce à la communauté et aux flux de contenus partagés. Ainsi : 

  • Les concepteurs sont ceux qui développent et assurent la maintenance de l’interface informatique mais également les animateurs de communautés. Ces deux types d’acteurs peuvent appartenir à la même structure ou non ; 
  • Les utilisateurs sont ceux qui viennent chercher de l’information mais également ceux qui postent des contenus. Un gradient s’établit alors entre les utilisateurs passifs ou « lurkers », qui ne font que consulter les informations sans participer et les contributeurs actifs. Ces postures ne sont pas figées. Un même utilisateur peut être plus ou moins présent en ligne en fonction du sujet, de la période, de son aisance avec le numérique, de son état d’avancement dans une démarche agroécologique, de sa personnalité, des apprentissages et de la confiance acquises, … 
  • Les utilisateurs sont à la fois des individus et des communautés.

Agor@gri propose alors de ne pas distinguer des « concepteurs » et des « utilisateurs » mais de différencier des usages définis par des objectifs :